Le boulier chinois, un outil incontournable pour mieux construire le nombre
Pour s’approprier le concept de nombre, les élèves doivent mettre en relation différentes représentations du nombre (modèle du triple code – Dehaene et Cohen -1992) :
– une représentation physique (code « analogique »)
– une forme visuelle (code « arabe »)
– un codage verbal spécifique
Le code analogique est un code non symbolique : il correspond à la capacité innée de traiter les quantités, représentées par des objets (par exemple des billes, des points, des cailloux, les doigts de la main). Deux processus permettent de traiter ces quantités : le subitizing et l’estimation. Les codes symboliques sont le code verbal et le code arabe : c’est tout simplement le fait de représenter le nombre par un mot (« trois ») ou par un symbole (le chiffre écrit, « 3 »).
Ces trois codes fonctionnent indépendamment mais entretiennent des relations étroites les uns avec les autres. Chacun de ces modules serait associé à des réseaux de neurones différents dans le cerveau.
Les fondements de la construction du nombre se font dès la maternelle (connaissance de la comptine, appropriation des différentes représentations…). L’entrée au cycle 2 va être caractérisée par le fait qu’on va donner du sens à chacun des chiffres d’une écriture comme 23 et par le passage progressif du comptage au calcul. L’étude organisée des nombres se poursuit jusqu’au milliard au cycle 3 et par les nombres décimaux. Mais de nouvelles difficultés apparaissent. Le boulier chinois peut aider à cette construction car il a une double fonction perceptive.
- Le boulier chinois pour mieux dénombrer et construire la numération décimale de position
La tâche de dénombrement d’une collection peut être complexe pour les élèves car elle implique d’autres compétences et connaissances que la seule détermination du cardinal de cette collection : savoir organiser son dénombrement afin de ne pas oublier ou compter deux fois un même élément (énumération), pointer correctement l’ensemble des éléments concernés, réciter simultanément la comptine numérique.
Le boulier peut alors s’avérer être une aide en permettant de mobiliser d’abord uniquement les compétences d’énumération en procédant à de la correspondance terme à terme par le déplacement d’une boule pour chaque élément. Puis, une fois la collection d’éléments organisée en ligne sur le boulier, procéder au dénombrement en récitant la comptine numérique.
– Pour les élèves, il est aussi fréquemment demandé de garder en mémoire une quantité, ce qui n’est pas aisé lorsque l’élève est justement en train de construire le nombre. Le boulier peut dès lors être un support, parmi d’autres, permettant de décharger cognitivement la mémoire des élèves.
– On retrouve aussi une dimension haptique en interaction avec d’autres sens (vue et audition) dans l’utilisation du boulier ce qui facilite l’appropriation du nombre en tant que quantité passant par la gestuelle. La perception haptique résulte de la stimulation de la peau provenant des mouvements actifs d’exploration de la main entrant en contact avec des objets (le toucher plus le déplacement). C’est ce qui se produit quand, par exemple, les doigts suivent le contour d’un objet pour en percevoir la forme.
– Le boulier chinois (comme d’autres bouliers), fonctionne sur le principe de notre système de numération décimale de position. Chaque tige correspond à un rang dans la numération. L’inscription d’un nombre sur plusieurs tiges oblige réellement à se poser la question de la valeur représentée par chaque boule, en tenant compte de la tige sur laquelle elle est placée. Il facilite aussi la compréhension des échanges de dix unités contre une dizaine, dix dizaines contre une centaine.

– Le boulier utilise enfin la capacité de percevoir immédiatement les petites quantités, c’est-à-dire la subitisation avec les images mentales correspondantes des nombres et de leur complément à 5 et à 10 (perles unaires activées ou leur complément à cinq ; perles quinaires activées). En effet, chaque nombre peut se lire à partir des seules quantités de perles immédiatement discriminées, activées ou non. L’œil perçoit le nombre de perles activées jusqu’à trois. Si une perle est désactivée, le nombre est le complément à cinq, donc quatre. S’il n’y a pas de perle désactivée, le complément à cinq est donc le nombre lui-même. Le même raisonnement s’applique entre cinq et dix. Ce traitement visuel des quantités de perles se fait automatiquement et installe une image qui sera « l’unité de base » du calcul mental.
La représentation des nombres avec les doigts, les mains se prolongent naturellement avec le boulier : dans la représentation du nombre avec les mains, l’oeil perçoit les doigts levés mais aussi les doigts repliés ; au boulier les perles activées ou désactivées copient la même gestuelle (1 unaire = 1 doigt ; 1quinaire= 1 main).
2. Le boulier chinois pour mieux décomposer les nombres
Comme le souligne Brissiaud (2007), décomposer un nombre est un concept clé de la numération et permet donc aux élèves de mieux le comprendre. Le boulier chinois est un outil qui contribue à donner du sens aux décompositions des nombres.
Pour inscrire huit sur le boulier, en référence aux doigts de la main (8 c’est une main et 3 doigts), l’élève active une quinaire et trois unaires sur la tige des unités. Le raisonnement de l’élève s’appuie sur la décomposition additive de huit (8 = 5+3).

De dix à quinze, les nombres peuvent être inscrits sur la tige des unités ou bien sur deux tiges (tige des unités et tige des dizaines). Pour l’écriture de quinze par exemple, on peut mettre en avant les différentes décompositions suivantes :

Sur le boulier chinois, l’existence de ces différentes écritures nécessite l’introduction de la notion d’inscription « économique » c’est-à-dire celle qui va mobiliser le moins de boules.
3. Le boulier chinois pour travailler les différents codages des nombres
Utiliser le boulier chinois en complément de ce qui est habituellement utilisé dans les classes (exemple : la bande numérique, la comptine numérique, l’usage des doigts et des mains,…), peut aider les élèves à mieux passer d’un code à un autre.

Coder douze (les apports du boulier chinois en grande section de maternelle)
La bande numérique et la comptine permettent de passer du code verbal à l’écriture chiffrée (code indo-arabe).
Ensuite :
– soit le raisonnement des élèves s’appuie, avec l’aide des mains, sur la décomposition additive de 12 (flèche verte) ; l’association main/quinaire et unaire/doigt facilite ainsi de manière très importante le codage de douze sur la tige des unités.
– soit l’élève passe du code indo-arabe (12) au code sur le boulier en s’appuyant sur le vocabulaire dizaines/unités pour différencier les tiges (flèche rose). Les élèves apprennent ainsi à distinguer 12 de 21 et à coder douze sur deux tiges.